La continuité
En 1937, notre ville d’Étréchy comptait un peu plus de 1800 habitants. De toutes les activités des Cadets de la Juine, il ne restait que le Cadet’s Circus. Avant la deuxième guerre mondiale, les jeunes menaient une vie relativement rude et avaient une force physique plus importante que les jeunes actuels. Certains étaient acharnés à l’entraînement, n’hésitaient pas à travailler deux ou trois années pour monter un numéro, tout en ne disposant pas des facilités techniques et financières que nous connaissons aujourd’hui.
A l’époque, l’entraînement avait lieu les mardis et mercredis soir, jeudis après-midi, samedis soir et dimanches après-midi. Il est vrai que la télévision n’existait pas, qu’il y avait peu de cinéma : le Cadet’s Circus ou le « Patro » était souvent la seule distraction. Pour s’entraîner à la salle, le survêtement étant encore inconnu, on mettait une culotte de sport et très souvent on restait torse nu même en hiver. Evidemment, il n’y avait pas de chauffage, sauf un énorme poêle dans un coin de la salle, pas toujours allumé d’ailleurs.

Le Père André se promenait dans la salle, lisant son bréviaire ou, récitant son chapelet, s’arrêtant parfois pour faire travailler un jeune.
Les gosses venaient nombreux au Patronage où le Père André recrutait. Les jeunes garçons travaillaient alors selon leur bon vouloir, sollicitant de l’un ou l’autre adulte, un conseil.
Vers 1937, le Cadet’s Circus donnait quelques spectacles en extérieur en voyageant avec la camionnette de Marcel Daniel. Le Père André écrivait à ses confrères ou aux communautés religieuses pour proposer les services du Cirque. Le prix du spectacle était modique mais il demandait de nourrir les artistes. Le Cadet’s Circus se produisait une seule fois par an à Étréchy, samedi et dimanche, dans la salle qui n’était pas aussi grande qu’aujourd’hui. Une ouverture dans le grenier avait été faite en 1935 et permettait de présenter les numéros aériens plus hauts.

Les
costumes étaient dessinés par Monsieur Eluard, artiste peintre, et réalisés par
Madame et Mademoiselle (1) Heuillet. Souvent, le Père André réalisait un
costume vu au Cirque Médrano. Déjà, le Cadet’s Circus utilisait des strass et
les paillettes se cousaient une par une à la main !
La sonorisation était faite avec un pick-up électrique et des disques 78 tours.
L’opérateur remettait le disque tant que le numéro était en piste. Ce procédé
continuera d’ailleurs bien après la guerre.
L’éclairage
n’avait rien de spécial et seul le numéro du tourbillon de Marcel Daniel avait
une série de lampes qui s’allumaient au final. Un programme type de cette
époque comprenait une douzaine de numéros avec quelques variantes selon
l’effectif.
Traditionnellement, le spectacle s’ouvrait avec « l’Entrée des
Gladiateurs ». Les gosses donnaient un charivari réunissant sauts,
pyramides et souplesses.
René Amiard était le grand spécialiste des chaises. Il faisait l’équilibre sur
cinq chaises empilées l’une sur l’autre, dont la dernière était seulement
appuyée en travers sur deux pieds.
Les
Cellos (Marcel Daniel et Jean Daleine) présentaient un grand numéro de main à
main, réalisant un bel enchaînement de poses plastiques. Ce numéro fut donné en
attraction dans un cinéma parisien.
Riquetti (Henri Marteau) travaillait, avec ombrelle, sur fil de fer. Apres un
joli travail classique, il terminait en traversant son fil en bicyclette.
« Il y avait encore le main à main à trois réunissant Marcel Daniel, Jean
Daleine et René Boissé, un porteur doué d’une force herculéenne. Marcel Daniel
était le roi de l’équilibre.
René Genty fut vite remarqué grâce à ses bonnes dispositions et deviendra très vite un excellent acrobate,
Ensuite venait le numéro à la double barre des « petits marins ». Pierre Leroy arrivait à porter trois voltigeurs, costumés en marins américains. Il y eut les frères Brigand et André Berthelot comme voltigeurs, mais d’autres travaillèrent à ce numéro.

André Coustans travaillait à la corde en V sur laquelle il réalisait pointe de pied, le coucher en travers, et terminait par un tourbillon.
Marniello (Marcel Daniel) était l’attraction vedette avec un numéro de barre fixe aérienne.
Il commençait en tournant le grand soleil, la lune, puis les pieds suspendus à une grande balançoire, il tourbillonnait seulement éclairé par un jeu d’ampoules fixées à son agrès, la salle étant plongée dans le noir.
Jean Daleine travaillait aussi à la corde lisse. Il réalisait une montée en tenant sa corde entre deux orteils. Pour finir, il planait au-dessus des spectateurs suspendu par les dents.
Il y avait, bien sûr, des clowns, une équipe de qualité que supervisait Coco Yau : Tony, Bobino et Charley. Après le départ de Louis Mélart, Louis et Eugène Yau travaillèrent avec Pierre Collet, Henri Lemaître et René Boissé. En extérieur, ils présentaient toujours : le photographe ou le gâteau et la flotte. D’autres entrées furent jouées à cette période à Étréchy : la chambre hantée, la radio, les peintres.
Le public était nombreux. La salle était archi-comble pour les deux séances, dans une chaude ambiance familiale.